Il s'appelle PA.

Voilà, il a droit à son prénom, mon schizophrène sentimental. Pour le début de l'histoire, c'est ici et

Il s'appelle PA, et il est mon amour toulousain. Le premier et le seul. C'était il y a plus d'un an et ça y est, c'est terminé. Parce que ça ne l'était pas encore. Vous dire ça me brise le coeur, me donne des nausées. Réaction viscérale à la vérité, la vérité brutale. 

J'ai essayé d'aimer après lui. Il y a eu le Viking, un homme super avec une barbe en pointe, un de Nantes pour qui j'avais eu un coup de foudre en secret et qui avait fait six-cent kilomètres pour que nous puissions exister. Dans ses bras, j'étais bien. Et on buvait du vin, c'est important pour moi, ce genre de petits détails, de petites choses que l'on partage à deux plutôt que seul, plutôt qu'à dix aussi. 

Puis j'ai commencé à douter un peu, comme à chaque fois. Je lui ai reproché un manque de caractère, surtout de ne pas l'aimer autant que j'aimais PA. 

Je devais prendre l'avion pour le rejoindre, passer une semaine avec lui, et PA qui faisait le mort est revenu. Une demande d'ami sur Snapchat. Une photo.  Il prend de mes nouvelles. " T'es toujours aussi belle. - Bah ouais, qu'est-ce que tu croyais ? " Il rit, moi aussi. On s'envoie des grimaces. La nuit ne s'arrête pas, encore une fois. 

Le lendemain, j'ai mes règles. Depuis six mois, je ne les ai pas eues, à cause de l'implant. Et là, elles arrivent. Demain, je prends l'avion. J'y vois comme un signe du destin. Naïvement. 

Je décolle et n'atterri jamais. 

Toute la semaine, j'écris à PA, devant mon Viking qui ne se doute de rien. Je suis exécrable, méchante. Je veux l'amener à penser par lui-même que nous deux ça ne fonctionne pas. Mais lui, il m'aime, et c'est la première fois que ça lui arrive. 

En rentrant chez moi de nouveau, je suis perdue comme jamais, j'ai le dos courbé, le front piteux, et les sourires aux lèvres. J'aime ce sentiment quand il est près de moi. 

Je quitte mon amoureux, le pauvre. Je vais boire du vin avec ma soeur, Un message arrive : "Quand est-ce qu'on va boire un verre ?" Comme s'il savait. Là encore, j'y vois un signe du destin. Ce sera ce soir. Déjà un peu saoule, je me fais un peu jolie et je m'en vais. Je rejoins PA et son ami. Il lui parlait de moi : " Cette fille, elle compte beaucoup pour moi. C'est la seule personne à qui j'arrive à me confier. " On se disputera dans un bar, parce qu'il me parle de Tinder, parce qu'il me prend pour sa pote, et moi je ne le supporte pas. " Donne-nous le temps", me dit-il. Je comprends le message que je veux comprendre, promesse que lui et moi allons pouvoir nous aimer. 

Je bois plus que de raison. Nous nous rendons dans la même boite que la première fois. Je sens qu'il se rapproche, un peu, quelques gestes, des regards surtout. Puis c'est le trou noir. Je reprends conscience devant lui, en pleurs, en train de me disputer. Je crois qu'il m'a dit qu'après moi, il a aimé une femme, et que ça a été très difficile. Je n'arrive pas à l'accepter. J'ai mal au ventre et, tout à coup, je suis morte de peur. Je prends son ami par la main, je lui demande de me raccompagner, il ne comprend pas. Je quitte la boite, PA tente de me suivre mais le vigile l'en empêche. Il doit penser qu'il me veut du mal, puisque je pleurs. Crétin de vigile. 

N'empêche que je n'ai plus de batterie, qu'il pleut averse, que je vois flou, que j'ai mal à l'âme et que je ne sais pas comment rentrer chez moi. 

A force de raser les murs, je finis par reconnaître les rues. J'arrive et je m'effondre. Il m'a écrit. Il me dit qu'il est triste que je sois partie, qu'il voulait que je reste, qu'il voulait m'embrasser aussi. L'on parle une bonne partie de la nuit, encore une fois. Il regrette la dernière fois, quand on a fait l'amour, parce qu'il voulait me voir au septième ciel. Il pense toujours de la même façon, qu'il n'est pas à la hauteur, qu'il me fera trop souffrir. Je refuse. Je lui fais promettre qu'il viendra dans deux jours. Il promets. 

Il ne vient pas. Et l'on se dispute. Il me redit les mêmes choses, je commence à en avoir assez, alors je me fais plus distante, je comprends que c'est terminé. Et lui de me répondre " Tu parles de ça comme d'une fatalité. - C'en n'est pas une ? - C'est seulement que si je me mets avec toi sans être sûr, je vais te faire souffrir. - Alors soit sûr de ne pas vouloir. - D'accord. " 

Je me suis dit que c'était terminé. Je pleurais, j'essayais de me remettre, chaque pas était un supplice mais je devais garder la face, parce que je connaissais les risques. A chaque fois, les choses se passaient ainsi avec lui, et chaque fois je restais malgré tout. Au fond, j'y ai toujours cru, j'ai toujours nourri l'espoir coupable que nous pouvions construire une histoire. Je me leurrais tellement fort.

Mais c'était terminé. 

Jusqu'à ce que je prenne la décision de quitter la ville. Pour tout un tas de raisons, et un peu à cause de lui. Alors je le lui dit. Pourquoi ? Aucune idée.

Enfin si, je sais pourquoi. Pour qu'il me retienne, pour qu'il soit malheureux, peut-être déclencher le déclic, un peu le message de la dernière chance. Et il est triste, il ne veut pas que je m'en aille. Surtout, il veut me voir avant. Ce que j'accepte. Ce qui n'arrivera jamais. J'acte ma décision, le voir ne me fera plus changer d'avis. A quelques jours du départ, il me propose de sortir, mais je suis occupée, je suis avec quelqu'un d'important. Alors je décline sans sourciller, parce que cette personne me soutient, me rassure. 

Le lendemain, c'est lui qui décline : " J'ai rencontré quelqu'un. "

...

Pardon ? J'ai le sentiment de m'être pris un coup de poing dans le ventre. Je m'écroule. " Pourquoi tu voulais me voir hier ? - C'est pas que je voulais te voir, mais ça aurait été cool qu'on se croise. " 

C'en est trop. 

Je coupe tout. On arrête de jouer, là j'en ai marre. Pour de vrai, ce n'est plus drôle du tout. Je rage, je deviens folle. Je veux rentrer chez moi au plus vite. La douleur est insupportable, pourtant il faut faire avec. Je perds complètement la tête. Dans mon esprit des flashbacks de cette année, de toutes les fois où j'ai pensé à lui dans les bras d'un autre, de tous les soirs à pleurer du vin pour lui, de tous ses mots qui me semblaient honnêtes, de son sourire, de mon rire quand il est en face de moi, de cette unique nuit dans ses bras. Tout me revient à chaque mouvement. Quand je souris, quand je parles. Au travail, j'ai fondu en larmes. Devant mes clients, devant mes collègues, devant ma responsable. " J'ai dit au revoir à quelqu'un qui m'est cher. " Un euphémisme. 

Je rentre chez moi. Je me sens apaisée, je me concentre sur les choses que j'ai à faire, et elles sont nombreuses. Puis je me trouve un amoureux, une relation toute mignonne qui me fait du bien. Puis qui se fane.

Alors que je devais passer le week-end chez mon ami, la première nuit, un message. " J'ai envie de toi. " Je parviens à l'envoyer paître à coup de " Va voir ta meuf. " Mais le lendemain, j'ai mes règles. La première fois depuis la dernière fois dont je vous parlais. Six mois se sont écoulés entre les deux. 

Mais PA, je lui dit merde pour de vrai. " C'est trop tard. - Trop tard ne veut pas dire qu'on ne peut pas parler. - Ah on peut parler, mais que tu aies envie de moi pose problème. - Ah, je ne t'écrirais plus, alors. " Je ne réponds pas. Je m'en moque, cette fois. J'espère, même, qu'il ne m'écrira plus. Je suis fière de moi, fière du chemin parcouru, parce que je suis seule et que cela me va, parce que je n'ai plus besoin. 

Et puis il y a quelques jours, je suis redescendue dans le Sud voir des amies. Le jour même de mon arrivée, c'est PA qui m'écrit. Comme s'il l'avait senti, comme si c'était le destin. Mais c'était différent. C'était mignon, c'était gentil, c'était amical. Il s'est excusé, ne voulait vraiment pas me faire du mal. Je parviens à faire de l'humour. C'était fini. 

C'est fini. J'ai du mal à y croire. Tout me semble devenir aussi trouble qu'un rêve. Que me reste-t-il ? Des souvenirs auxquels je ne ne me fie plus. Des mots auxquels je ne crois plus. Une gueule de bois semi-permanente. L'impression d'être morte et de reprendre à zéro. Peut-être ne peut-on vraiment pas aimer deux personnes à la fois, de sorte qu'il m'était impossible d'aimer qui que ce soit tant que ce n'était pas terminé avec PA, tant que je n'avais pas accepté que ça le soit. Je ne dirais pas que je suis pleine d'espoir et d'optimisme pour la suite, un peu plus sereine surement. 

L'on dit que les phases du deuil se traversent aussi lors des déceptions amoureuses les plus fortes. J'y crois. Le déni. Le marchandage. La colère. La dépression. L'acceptation. 

C'est fini et je souris. 

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